Parler de mort est anthropocentrique. Les étoiles ne
meurent pas.
Elles passent d'un état de perfection lumineuse
à un état de perfection obscure.
Michel Cassé
” Dans ma mansarde je me mets moi aussi souvent à
la lucarne
rien que pour voir les nuages. Alors je sens que je vis encore.
Peter Handke
Des destins se rassemblent, perplexes, immobiles.
Nous marchons je le sais vers des matins étranges.
Michel Houellebecq
Nessaie
pas de me faire peur ( Printemps
des Poètes )
photo
Luigi Ghirri
Nessaie
pas de me faire peur
Ne me parle pas du destin qui te menace
Ni de la tristesse sans fin de ce pays.
Voici notre première fête
Et cette fête a nom rupture.
Tant pis. Nous nattendrons pas laube.
La lune pour nous naura pas divagué.
Je vais te donner aujourdhui
Ce quon na jamais vu au monde :
Mon reflet sur leau, vers le soir,
Quand le ruisseau na pas sommeil ;
Un regard qui na pas aidé
Létoile filante à trouver
Le chemin qui ramène au ciel ;
Lécho de cette voix sans force
Qui était fraîche cet été
Pour que tu puisses supporter dentendre
Dans les datchas les médisances des corbeaux.
Pour que les jours du mois doctobre
Te soient plus doux que la douceur de mai.
Mon ange, souviens-toi de moi.
Au moins, tant que nest pas tombée
La première neige, souviens-toi.
inRequiem
: Poème sans héros et autres poèmes Anna Akhmatova
****
Mes proches, je vous lègue
La certitude inquiète dont jai vécu
Cette eau sombre trouée des reflets dun or.
Car, oui, tout ne fut pas un rêve, nest-ce pas
?
Mon amie, nous unîmes bien nos mains confiantes,
Nous avons bien dormi de vrais sommeils,
Et le soir, çavait bien été ces
deux nuées
Qui sétreignaient, en paix, dans le ciel clair.
Le ciel est beau, le soir, cest à cause de nous.
Mes amis, mes aimées,
Je vous lègue les dons que vous me fîtes,
Cette terre proche du ciel, unie à lui
Par ces mains innombrables, lhorizon.
Je vous lègue le feu que nous regardions
Brûler dans la fumée des feuilles sèches
Quun jardinier de linvisible avait poussées
Contre un des murs de la maison perdue.
Je vous lègue ces eaux qui semblent dire
Au creux, dans linvisible, du ravin
Quest oracle le rien quelles charrient
Et
promesse loracle.
Je vous lègue
Avec son peu de braise
Cette cendre entassée dans lâtre éteint,
Je vous lègue la déchirure des rideaux,
Les fenêtres qui battent,
Loiseau qui resta pris dans la maison fermée.
Quai-je
à léguer ?
Ce que jai désiré,
La pierre chaude dun seuil sous le pied nu,
Lété debout, en ses ondées soudaines,
Le dieu en nous que nous naurons pas eu.
Jai à léguer quelques photographies,
Sur lune delles,
Tu passes près dune statue qui fut,
Jeune femme avec son enfant rentrant riante
Dans laverse soudaine de ce jour-là,
Notre signe mutuel de reconnaissance
Et, dans la maison vide, notre bien
Qui reste auprès de nous, à présent,
dans lattente
De notre besoin delle au dernier jour.
inEnsemble
encore suivi de Perambulans in noctem, Yves Bonnefoy
Gens
de Mercure, camarades confiné-e-s ou pas salut,
L'épidémie,
comme certains hommes politiques d'ailleurs, a beau
tenter de nous confisquer le Printemps, nous résisterons,
continuerons à le célébrer comme
il se doit. Nos systèmes immunitaires
sortiront, faut-il l'espérer, grandis face l'adversité
impalpable qui ne dit pas toujours son nom. Comme nous
le rappelle l'optimiste Cioran, "nous sommes tous
des farceurs: nous surviv(r)ons à nos problèmes".
Merci pour vos suggestions, textes et viatiques de cette
semaine. La tribune demeure ouverte ...
A la semaine prochaine. Méfiez-vous des poissons
d'avril et prenez soins de vous... en attendant continuez
à rester sagement chez vous et enivrez-vous
!
La Liste du Mercredi
#
COURS
Par
pauledubey @ gmail.com
(espaces=nospam)
[Lyon]
Bonjour,
Merci à l'auteur de cette liste ! Et à sa
sensibilité esthétique et littéraire...
Rien à vendre ni à acheter. Je fais partie
d'une asso de yoga, une page fb Yoga
Satyam Lyon où nous partageons des cours. Avec
du manque de maîtrise technique et des beaux couacs.
Mais nous partageons depuis chez nous avec nos petits
moyens...
En attendant la sortie, bien à vous !
Paule
#
PNEUMATIQUE
Par
albert.camus
@ pleiade.com (espaces=nospam)
[Firmament]
# MESSAGE
Par
Annie
Ernaux
[Cergy]
Annie
Ernaux est écrivain. Son oeuvre oscille entre l'autobiographie
et la sociologie, l'intime et le collectif. Dans cette
lettre adressée à Emmanuel Macron, elle
interroge la rhétorique martiale du Président.
Lecture
par Augustin Trapenard.
#
PRINTEMPS DES POETES
Par
bbrerot
@ free.fr (espaces=nospam)
[Lyon]
illustration
Nadège Druzkoswki
dix mille êtres dedans
Balade dans les forêts, les constellations
de la pensée et celles de l'univers, dix
mille êtres dedans, est une approche
sensible de l'écologie mentale autant que
sociale et environnementale.
Poème fleuve, poème Terre, dix mille
êtres dedans embarque pour un voyage intérieur
autant qu'extérieur, microcosmique autant
que macrocosmique.
En assimilant les chemins du cerveau à ceux de
la Terre, il explore les structures en réseaux
qui relient toutes les couches du vivant, qui créent
de véritables cartographies à la surface
du globe jusqu'au cosmos en passant par nos neurones et
les fines nervures d'un pétale de rose.
Invitant à remonter les courants, les circonvolutions
du cerveau, à traverser les différentes
strates du vivant, le texte met à jour les possibles
interactions entre milieu cérébral et milieu
naturel, la symbiose entre les langues, les organismes
vivants, la Terre et l'Univers.
En tentant un retour impossible à la source de
la pensée, l'uvre se déploie tel un
rhizome pour finalement aborder les rives de territoires
volontiers assimiles aux jardins intérieurs, au
jardin des Hespérides, au paradis que chacun porte
au fond de soi, profondément enfoui.
Nous sommes sur une île bordée d'une
mer de microbes. Le prochain bateau passera dans
quarante jours, peut-être. Nous sommes avec
nous-même et des milliards de technologies
qui déversent les quatre coins du globe
dans notre intérieur. Nous n'avons pas
choisi d'être sur cette île. Pourtant,
nous y sommes.
Autour,
il y a quelques personnes. D'autres êtres
animés, d'autres âmes attérées.
On les aime on les craint on les redoute on les
aime. Dans cet espace délimité,
quelle part de partage, quelle part de recueil,
quel équilibre agencer. Les forces motrices
des êtres et des choses moulées à
un espace limité s'entrechoquent. Courants
d'eaux par vents contraires. Giclures de vagues
qui s'entrechoquent. Union des courbes dans la
logique des évidences primitives. Etres
forgés par une nouvelle réalité.
Réalité nouvelle forgée par
la multitude des êtres.
La ligne d'infnie est un présent inestimable.
Sur notre île, nouvelle immergée
de quelques jours, nous regardons proche. Il y
a ces murs, bien sûr, l'être humain
ne sait pas encore voir à travers les murs.
Même avec de grosses lunettes. Même
avec un écran. Même avec beaucoup
d'imagination.
Alors, il se tourne et ouvre la fenêtre.
Parfois, oh, chance, derrière cette fenêtre,
un arbre. C'est le printemps aujourd'hui. Notre
île est née à l'aube du printemps.
Elle est si calme que les oiseaux s'en donnent
à coeur joie. On les entend ! On les entend,
et de plus en plus on croit que ces oiseaux sont
plus nombreux que nous sur l'île.
Cela
est tout nouveau. Quelques jours seulement. On
s'est affolé, un peu, on s'est demandé,
plusieurs fois, à quoi aller ressembler
cette île, que nous n'avons pas choisi.
Va-t-on l'apprivoiser, cette île ? Va-t-on
attendre, attendre, puis s'empresser d'oublier
cette mer invisible, cette mer d'isolement, trop
contents d'avoir pu reprendre le bateau, et de
fouler à nouveau les chères terres
réapparues ?
Nous
sommes sur une île bordée d'une mer
de microbes. Le prochain bateau passera dans quarante
jours, peut-être. Nous sommes avec nous-mêmes
et des milliards de technologies qui déversent
les quatre coins du globe dans notre intérieur.
Nous n'avons pas choisi d'être sur cette
île. Pourtant, nous y sommes.
2.
Nous sommes des poissons rouges.
Réveil.
Rien n'a bougé. Les murs autour de nous
et le silence crépitant. Rien n'a bougé.
Les poubelles sont là dehors et les lettres
entassées dans la boite postale du bout
de la rue. Les jours n'ont plus de nom. Aux infos,
le même mot résonnant. L'heure ?
Qu'importe. De plus en plus, on oublie de s'en
soucier. Il fait jour, il fait nuit, après
tout c'est suffisant. Ca fait des boucles. Des
ronds. Il fait jour, il fait nuit, après
tout c'est suffisant.
Pendant
le jour, on s'est trouvé des envies dévorantes
d'explorer. Cette île nouvelle nous cache
peut-être quelques secrets. Des recoins,
des zones d'ombres, des QG, le canapé.
On a fait le tour du salon, le tour de la chambre,
un peu de ménage, un tour de lessive, le
tour du balcon, l'angle mort des toilettes, le
tour de notre tête. Puis on a recommencé.
Il parait que l'homme ne traverse jamais deux
fois la même rivière. Alors, chère
île, mon souhait d'aujourd'hui, s'il te
plait, soit notre rivière !
Puis
vint la nuit et de nouveau le jour. On a tourné
le lit et notre langue sept fois dans notre bouche
pour ne pas prononcer le mot entêtant des
infos. On a tourné une nouvelle page de
notre carnet de bord "ma vie sur mon île",
puis on a fait le tour du salon, le tour de la
chambre, un peu de gym, une bonne douche, le tour
du balcon, l'angle mort des toilettes, le tour
de notre tête. Puis on a senti l'envie flamboyante
de fouler les îlots, là, juste là,
à côté.
Alors on a griffoné un papier, comme une
carte au trésor, et on a dessiné
une croix en bas, sur le quatrième motif
de la rose des vents. Pour garder le cap, ne pas
perdre la boussole, on a mis le papier dans notre
poche, et on est parti, rouges d'euphorie, enhardis
quelques instants par l'oubli de l'heure, du jour,
du pourquoi et de la nuit.
On
a fait le tour
Et on est vite revenu.
Les ilots semblaient peuplés de sauvages
dangers. Et si notre présence hasardeuse
était incidieusement destructrice ? Comment
savoir. On sait encore si peu de choses de cette
île ! Cela ne fait que quelques jours, on
a déjà fait quinze fois le tour,
les contours, avec et sans détours. Pourtant,
on ne connait fondamentalement encore rien de
notre île. Il parait qu'il faut beaucoup
de temps pour connaitre les choses. Il parait
que le temps est une denrée précieuse.
Qui ? Qui de notre temps a le privilège
du temps ? Qui ?
Nous
sommes sur une île bordée d'une mer
de microbes. Le prochain bateau passera dans quarante
jours, peut-être.
3.
île
tu
me désoles
tu m'assailles
tu me consoles
tu me tourmentes
tu me rassures
tu m'attères, m'attristes
tu m'intrigues.
mon île
tu
m'interpelles
tu m'indiffères
tu m'héroïses
tu m'envahis
tu me suffoques
tu me guéris
île
tu me cloisonnes
tu me baillones
tu me hantes
île
tu me désertes
tu me combles
tu me surprends
tu me déroutes
tu m'impatientes
tu me terrasses
tu m'écatombes
île
tu
m'handicapes
tu me travesties
tu m'enlaces
tu me blanchis
tu m'emmerdes
île
île
tu m'élèves
tu me kidnappes
tu me rapproches
tu me berces
tu nous cageoles
tu nous camisoles
tu nous asphyxies
tu nous masques
îles
vous nous distancez
vous nous différenciez
vous nous bichonnez
vous nous sauvez
îles
vous
nous dépareillés
dans une incommensurable universalité
vous nous tatouez
îles.
4.
Ma
petite île. Ma toute petite.
J'ouvre
cette lettre comme on ouvre une fenêtre
Devant tes confidences
Mes croyances sont déconfites
Entre tes murs immobiles
Ton chahutant silence m'insuffle d'inattendus
mouvements. Tu sais, les émotions sont
mouvements. Les sons aussi sont mouvements. La
pensée est mouvement.
L'intense
tension tendue derrière les vitres par
moments se vide, tu as vu ? Elle se vide en un
mouvement, imperceptible, gracieux, en une danse.
Tu es plus grande maintenant. Tu es plus grande
depuis que tu a courbé vers moi la silhouette
de tes colossaux contours.
A
présent tu es une île ronde. Comme
celle qu'on dessine au milieu d'un vrai océan
d'eau.
Quand j'ouvre la fenêtre, parfois, tu t'habilles
même de ces rochers falaises, ceux qui donnent
tant de charme aux paysages du bord de l'eau.
C'est le fait du battant de la fenêtre qui
découpe ton contour lisse. Et du petit
rebord, sur lequel je peux poser mon coude, ou
la tasse fumante d'un thé à ta santé.
Tu as vu ?
Mon île, ma toute petite,
Je vais me coucher, je t'écrirai bientôt.
Confinement tienne,
Aza
#
PRINTEMPS DES POETES
Par
acroux
@ outlook.fr (espaces=nospam)
[Lyon]
Enivrez-vous
Il
faut être toujours ivre. Tout est là :
c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible
fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous
penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu,
à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur
l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne
de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse
déjà diminuée ou disparue, demandez
au vent, à la vague, à l'étoile,
à l'oiseau, à l'horloge, à tout
ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à
tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à
tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et
le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge,
vous répondront : « Il est l'heure de s'enivrer
! Pour n'être pas les esclaves martyrisés
du Temps, enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie
ou de vertu, à votre guise. »
in
Le Spleen de Paris ou les petits poèmes en
prose, Charles Baudelaire
#
INFORMATION COVID-19
Par
manuele.berry
@ numericable.fr (espaces=nospam)
[Lyon]
Aux
costumier.es, couturier.es, magasins de retouches, merceries,
petites mains et dés à coudre, ateliers
de confection et théâtres...
Vous êtes nombreux à savoir faire des choses
en tissu et vous connaissez les besoins urgentissimes
en masques pour, entre autres, les infirmier.es qui doivent
s'organiser dans une urgence absolue pour assurer leurs
tournées à domicile malgré le manque
cruel de matériel de protection.
Des initiatives se mettent en place dans toute la France
pour la fabrication des masques en tissu, évidemment
non homologués, mais qui évitent le contact
mains/bouche et protègent des projections salivaires
ou éternuements de rhinite allergique.
C'est mieux que rien en attendant les livraisons annoncées
par la Direction Nationale de la Santé !
De
même, si vous travaillez pour un magasin de tissus
en gros, une mercerie, et que vous pouvez offrir des
coupons, des chutes d'étoffes solides et lavables
à 90°, de l'élastique, des aiguilles
et du fil, faites-vous connaître...
Plusieurs
patrons sont disponibles en ligne, dont celui envoyé
par le CHU de Grenoble Alpes à ses équipes,
ainsi qu'une liste de tissus adaptés.
Contacter
Olivier Gabrys au 06 64 80 68 73
(avec votre N° de téléphone et précisions
sur ce que vous proposez).
Il assurera la coordination des dons avec les équipes
soignantes.
# RELAIS D'INFORMATION / AGENDA
Les
publications de cette rubrique sont momentanément suspendues.
#
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public (et des livres audio etc.), la plupart sont en
anglais, mais il y en a quelques uns en français:
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Arte propose continuellement des rediffusions
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Les éditions Au diable vauvert proposent du 31
mars au 3 mai 2020 une sélection de livres
numériques accessibles gratuitement: lien
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